Interview regards croisés : les enjeux stratégiques de l'énergie dans l'industrie

Pour un industriel, l’électricité est bien plus qu’une ligne de facture, c’est la colonne vertébrale de son activité. Elle lui permet de faire tourner ses usines et d’assurer la continuité de ses process de production. Mais sur un marché de l’énergie qui a connu de fortes variations tarifaires, où se succèdent les évolutions réglementaires et où les fournisseurs se sont multipliés, pas facile de se repérer.

 

Tour d’horizon avec Gaël Joly et Matthieu Chatelain, Directeur Général et Directeur Commercial chez le fournisseur Mint Energie, pour identifier les bons critères, se donner des éléments de comparaison… et remettre “la centrale électrique au milieu du village” !

Commençons par le commencement : pour un industriel, quel est le contexte récent concernant son approvisionnement en électricité ?

Gaël Joly : Le premier fait marquant, c’est l’augmentation des prix de ces dernières années. 

L’électricité a beaucoup et brutalement augmenté, pour des raisons liées aux marchés mais aussi à l’augmentation des coûts de transport, au besoin de renouveler ou renforcer le réseau. Même si on a retrouvé une forme de “nouvelle normalité” et que les prix se sont stabilisés depuis 1 an environ, la facture globale est significativement plus élevée qu’auparavant, parfois jusqu’à +50% pour certains acteurs ! 

Pour un certain nombre de nos clients industriels, je pense par exemple à un imprimeur que j’ai revu récemment, l’électricité est devenue, hors achat des matières premières et salaires, le 1er poste de dépense

Y a t-il d’autres faits marquants que cette hausse des prix ?

Gaël Joly : Oui, cette hausse se combine avec une absence de visibilité. D’abord, les prix sont beaucoup plus volatils qu’ils ne l’ont été historiquement.

Le marché réagit fortement à une actualité géopolitique instable. Et le déploiement de moyens de production moins pilotables, comme les énergies renouvelables, peut avoir pour conséquence de mettre le système en tension quand la production est abondante ou absente : un déficit de vent va impacter la production en Allemagne, une sécheresse diminuer la production du nucléaire ou de l’hydroélectrique en France.

Pour vous donner un ordre de grandeur, les prix du marché de gros variaient de 1 à 2% par jour il y encore quelques années. Désormais, cette variation monte fréquemment à 5 ou 6%. Et cette volatilité pèse davantage qu’avant, avec la fin de la protection de l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) qui permettait à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics.

Autre incertitude : l’avenir réglementaire. Quelles seront les suites de l’ARENH ? Quel sort pour les CEE, les crédits carbones ou les obligations de baisse de consommation ? Beaucoup d’industriels sont dans le flou.

Compte tenu de ce contexte, on imagine que l’enjeu n°1 des industriels aujourd’hui, c’est le montant de la facture…

Matthieu Chatelain : Effectivement. Mais encore faut-il être en mesure de pouvoir comparer des offres pertinentes.

La comparaison des prix est devenue aujourd’hui un exercice très compliqué, avec toutes ses composantes (électron, transport, réglementaire…). Il est devenu difficile, pour un client, de comprendre sa facture, ce qu’il achète et combien cela va réellement lui coûter, ainsi que les conditions de son contrat. C’est d’autant plus vrai pour des industriels qui ne sont pas toujours de grosses entreprises et sont dépourvus d’acheteurs spécialistes de l’énergie. Ces industriels ont certes depuis 5-6 ans le choix entre beaucoup plus de fournisseurs, et ils ont bien intégré qu’ils pouvaient regarder ailleurs que chez les opérateurs “historiques”… mais lequel choisir ?

Comment accompagnez-vous ces industriels dans cette bonne lecture de l’offre ?

Matthieu Chatelain : Notre travail commence toujours par l’analyse fine des consommations. Nous étudions les courbes de charge des sites, identifions les pics, les creux, les comportements énergétiques atypiques. Cela nous permet ensuite de déterminer des leviers d’optimisation adaptés à chaque profil.

Par exemple, dans un espace de coworking, nous avons préconisé de chauffer un peu plus la nuit plutôt que de tout allumer en heure de pointe. Résultat : un gain pour le climat, le réseau… et la trésorerie.

Et parmi ces leviers, la puissance souscrite est un point clé ?

Matthieu Chatelain : Oui, c’est souvent une source d’économies sous-estimée.  Il arrive assez fréquemment que des industriels aient souscrit une puissance de consommation trop élevée par rapport à leurs besoins réels, ce qui ce qui génère un surcoût, ou au contraire trop basse, avec des pénalités à la clé. Ces surcoûts peuvent parfois être évités, soit en modulant sa consommation, soit en choisissant le bon niveau de puissance, soit les deux… Par notre analyse précise des usages, nous déterminons la puissance optimale, et nous permettons ainsi à nos clients d’éviter ces augmentations de factures.

"Entre 30 et 40% des entreprises qui sont devenues nos clients n'avaient pas le bon niveau de puissance dans leur contrat précédent !"

Ces industries qui ne sont pas au bon niveau de puissance, c'est une réalité ?

Matthieu Chatelain : C’est une réalité pour les industriels et même l’ensemble des clients professionnels. Pour vous donner un ordre de grandeur, entre 30 et 40% des entreprises qui sont devenues nos clients n’avaient pas le bon niveau de puissance dans leur contrat précédent ! 

Beaucoup d’industriels n’ont pas d’acheteur spécialisé dans l’énergie. Prenons l’exemple d’une chaudronnerie de 30-40 salariés, c’est une activité qui consomme beaucoup d’électricité, mais le dirigeant ou le responsable financier n’auront sans doute pas le réflexe d’envisager l’optimisation de puissance de leur site… Attention néanmoins, l’optimisation du niveau de puissance n’est qu’un levier parmi d’autres

L’intérêt est de croiser cette donnée avec l’usage réel et les contraintes métiers du client pour proposer une offre globale et sur mesure.

Comment faites-vous pour déterminer l’offre adéquate pour un industriel ? Quels résultats obtenez-vous ?

Matthieu Chatelain : C’est tout notre accompagnement sur la partie conseil énergétique qui va permettre de mener cette optimisation de puissance, pour s’assurer que l’ensemble des sites soient au bon niveau.

On va analyser les données de consommation du client à travers ses courbes de charge. Et c’est une première étape clé, avant un diagnostic énergétique plus élargi. Pour que ce travail soit bien effectué, cela passe par beaucoup de proximité et d’échanges avec le client, pour une compréhension fine de son métier, et aussi beaucoup de savoir-faire avec nos équipes d’Energy Management.

Pour ce qui est des résultats, c’est évidemment variable d’un client à l’autre. Mais c’est souvent très significatif, à plus forte raison dans un contexte de prix haut et de recherche d’économies. Nous travaillons avec un groupe de cliniques privées, qui compte une dizaine de sites dont tous n’étaient pas au bon niveau de puissance souscrite. Nous obtenons d’ores-et-déjà une réduction de 6 à 8% sur l’année !

Une fois effectué ce diagnostic précis des usages, quelles étapes avant de déterminer la “bonne” offre ?

Matthieu Chatelain : C’est une combinaison de plusieurs paramètres : un bon dimensionnement, un modèle tarifaire adapté (fixe ou indexé), et de la souplesse. Pour une grande partie de nos clients industriels, le choix de l’offre de fourniture est souvent orienté vers la sécurité : ils souhaitent disposer d’un tarif fixe pour toute la durée de leur contrat et ainsi bien maîtriser leur budget. Pour d’autres en revanche, la volonté est de pouvoir bénéficier d’opportunités marché en choisissant des offres indexées. Dans ce cas, l’industriel décide d’assumer lui-même le risque habituellement porté par le fournisseur.

Je vais vous donner l’exemple d’un de nos clients qui est imprimeur, avec un carnet de commande en croissance. Nous avons mis en place une offre adaptée, où il s’est engagé sur les 80% de consommation probable, avec un volet de 20% plus incertain qu’il n’achètera effectivement qu’au moment où il en aura besoin. C’est une construction pas à pas, où l’on achète au fur et à mesure de la probabilité de ce qu’on va consommer. Ce type d’offre a pendant longtemps été réservé aux très gros industriels. Chez Mint, nous essayons de le démocratiser en le proposant à des industriels de plus petite taille.

Et cette flexibilité est essentielle pour les industriels ?

Matthieu Chatelain : Complètement. L’activité industrielle peut varier dans le temps, et l’offre d’électricité doit savoir s’y adapter.

Il y a d’abord le cas des industriels multi sites, dont le périmètre peut varier à la hausse ou à la baisse : il est important pour eux de bénéficier d’un contrat flexible sur le nombre de sites, qui évite ainsi de renégocier pour tout ajout ou de payer des pénalités en cas de retrait de site. Et il n’y a pas que des cas d’ouverture de site : il y a aussi le cas de toutes les entreprises qui ne sont pas à 100% de leur potentiel.

L’un de nos clients est un fabricant de pièces pour l’aéronautique. Il rencontre aujourd’hui des difficultés de recrutement qui l’empêchent d’être à 100%, mais lui et nous devons anticiper le moment où il arrivera à se staffer et retrouvera son optimum de production.

Pour cela, on va travailler étroitement avec les entreprises pour anticiper leur activité. Notre département Energy Management va se servir des données pour projeter la consommation future et proposer l’offre la plus adaptée. Cela demande beaucoup d’expertise, de découverte, d’échange et de partage avec nos clients. L’activité d’une entreprise évolue : embauche, nouveaux sites, baisses de régime ponctuelles… Il est donc essentiel que l’offre suive le rythme de l’entreprise, sans pénalité ou renégociation permanente.

"Pour un industriel, anticiper est la clé."

Et donc là, on va parler d’accompagnement ?

Gaël Joly : De de la même façon, ces industriels attendent du conseil et de l’update, voire de l’anticipation quant aux évolutions de réglementation. Ils savent qu’ils vont devoir optimiser leur consommation énergétique, ils ont déjà un certain nombre d’obligations, construction d’ombrières sur leurs parkings, CEE, etc. Il y a une vraie volonté de leur part de s’informer, et on les accompagne dans leurs prises de décisions. 

Nous avons ainsi récemment discuté avec un important syndicat des boulangers, qui mène une réflexion sur leur horaires et pratiques de consommation. Nous les avons conseillés en attirant leur attention sur le fait que le système heures pleines / heures creuses est en train de bouger, et que leur raisonnement risquait d’être vite obsolète !

Matthieu Chatelain : Tout à fait. Pour un industriel, anticiper est clé. Notre rôle est de lui donner un maximum de visibilité.

Lorsqu’on fait travailler nos experts sur leur courbe de charge, on va repérer les périodes récurrentes de pics de consommation, périodes où le budget électricité sera plus important.

C’est ce que veulent les industriels : qu’on leur donne des signaux d’alerte en projetant leur consommation sur les 12, 24 ou 36 prochains mois. En analysant leur activité de façon aussi granulaire, mois par mois, on leur permet d’anticiper leurs besoins de trésorerie.

"C'est toute notre raison d'être : rendre accessible à tous l'énergie et les solutions écoresponsables."

Qu'en est-il des enjeux de transition énergétique ?

Gaël Joly : C’est toute notre raison d’être : rendre accessible à tous l’énergie et les solutions écoresponsables. Les critères de prix ont pris une place prépondérante du fait du contexte inflationniste récent, nous accompagnons donc nos clients dans une démarche de transition afin de répondre à la fois à l’enjeu budgétaire et économique au moyen d’une consommation réduite.

Nos différentes solutions permettent à nos clients d’avancer à leur propre rythme dans leur transition. D’abord en leur proposant une électricité verte, avec des Garanties d’Origine qui permettent un approvisionnement issu des énergies renouvelables à hauteur de 25, 50 ou 100% de la fourniture.

Ensuite, par nos conseils sur leur consommation, en choisissant, par exemple, le bon niveau de puissance comme on l’expliquait plus haut. Notre analyse pointue des courbes de charge nous permet de les aider à consommer mieux, d’identifier ensemble où sont les sources de performance énergétique, voire de les conseiller sur des projets d’autoconsommation sur lesquels nous sommes très présents

Quel mot de la fin ? Que doit retenir un industriel de ce sujet l’approvisionnement en électricité ?

Gaël Joly : Je finirai par deux points, pour résumer. D’abord qu’avec l’évolution des prix, et à moyen terme les enjeux de décarbonation, le choix du bon fournisseur et de son accompagnement est devenu stratégique : c’est un vrai levier d’économies et un partenaire clé sur le chemin de la performance énergétique.

Ensuite de faire attention aux mirages du fournisseur “moins disant”, et de bien comparer des offres réellement adaptées, avec le bon niveau de puissance, le bon modèle de tarification, les bonnes conditions de flexibilité. Cela passe par de l’échange et une grande proximité avec son fournisseur, pour construire la bonne réponse. C’est cette approche conseil, de proximité, que nous défendrons toujours, chez Mint.

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